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Intestin et cerveau : quel rôle dans la dépression ?




L’être humain est une machine complexe où tout est interdépendant : on ne peut plus aujourd’hui séparer le corps et l’esprit. L’article qui suit vise à montrer qu’il n’est pas raisonnable de ne considérer la dépression que comme une maladie mentale, que le lien entre microbiote et cerveau et leurs interactions réciproques sont essentielles à prendre en compte pour traiter la dépression. C’est sur la base de ces études (et de bien d’autres) que j’ai élaboré un programme d’accompagnement pour traiter la dépression.

 


La psyché, c’est l’activité mentale, l’esprit mais c’est aussi des neurotransmetteurs et des hormones (sérotonine, dopamine, adrénaline) qui influent sur notre humeur et sont influencées par elle. Mais la production de ces derniers, leur quantité, leur qualité ne dépend pas que de ce seul facteur. Elles sont aussi influencées par d’autres facteurs génétiques, environnementaux, relationnel, organiques. Le microbiote est l’un de ces facteurs. Il ne s’agit pas de dire qu’une dépression n’est que le fait d’une dysbiose, elle est plus probablement multifactorielle et la dysbiose n’est qu’un de ces facteurs. L’alimentation est probablement parmi les facteurs les plus importants, il est aussi le plus simple à modifier dans une perspective thérapeutique.

 

Deux familles de bactéries sont susceptibles d’avoir une action sur nos états d’âmes : Prevotella et Bacteroides. Une étude du laboratoire de l’UCLA, Californie a permis d’établir une corrélation entre la quantité de ces bactéries et les états d’âmes des femmes ayant participé à l’expérience. Cette dernière tend à montrer que « nos bactéries seraient capables d’influer sur notre manière d’être. De nous rendre plus ou moins émotifs, plus ou moins sensibles à la douleur des autres, à leur tristesse, à leur mal-être. » (Perlemuter, 23)


Il est encore difficile de dire quelle est la part « de responsabilité » de ces bactéries dans la charge émotionnelle ou l’empathie mais « le fait est que, dans des laboratoires d’envergure internationales, des souris sont guéries de leur stress, de leur dépression et de leur anxiété par la modification de leur microbiote » (Perlemuter, 24) Est-ce à dire que notre volonté n’est rien face à la composition de notre microbiote ? Certainement pas mais il est fort probable qu’il l’infléchisse.

 

« Les souris conçues en laboratoire de manière à naitre sans microbiote ont moins d’interactions les unes avec les autres. » (Perlemuter, 34)

Les découvertes récentes sur le lien entre le microbiote et le cerveau montrent bien que tout est imbriqué, interdépendant. Selon le professeur Gabriel Perlemuter, « on ne guérira jamais de la dépression ni d’aucune autre maladie si on persiste à ignorer que l’organisme est un tout. Une dépression, une anxiété, c’est aussi une inflammation, une dysbiose, c’est un ensemble qui doit être traité simultanément. »

 

Nous devons penser que quand on mange, on nourrit aussi les bactéries de nos intestins. Si nous faisons attention à elles, elles feront elles aussi attention à nous.

 

Aujourd’hui les études sur l’impact de l’alimentation sur les troubles neuro-psychiatriques sont essentiellement menées sur des rongeurs et ne sont que de l’ordre de l’observation chez les humains. Mais l’on sait mesurer l’humeur des souris (lesquelles peuvent être joueuses, aventureuse ou stressées, déprimées ou asociales). On sait par exemple qu’une souris déprimée attachera moins de soin à sa toilette, qu’elle sera plus anxieuse, qu’elle limitera ses interactions sociales et aura tendance à consommer davantage de sucre. On retrouve bien là les mêmes symptômes que chez l’être humain. Et « pour déprimer une souris, il suffit … de la nourrir avec de la junk food[1] » (Perlemuter, 42)

Autre découverte : si l’on transplante le microbiote des souris rendues dépressives par l’alimentation à des souris ayant un régime alimentaire sain, ces dernières plongent à leur tour dans la dépression. Le résultat est le même si on leur implante le microbiote de patients dépressifs. Cela montre « le rapport de causalité entre nos bactéries et nos humeurs ». « Cette maladie cesse d’être purement psychique puisqu’elle peut-être transmise par contagion, avec les selles ».

D’autres études ont cherché, avec succès, à rétablir la bonne humeur des souris déprimées en leur administrant certaines bactéries (Bifidobactérium infantis[2]). Le résultat est semblable à celui d’un antidépresseur.

De rares études ont permis d’observer une diminution des symptômes dépressifs, voire une totale guérison, sur des sujets humains à partir de transplantation fécale. Les études ont besoins d’être multipliées et réalisées à plus grande échelle mais elles sont prometteuses. Toutefois aujourd’hui cette approche thérapeutique n’existe que de façon expérimentale. Aujourd’hui, le seul moyen que l’on ait de modifier le microbiote humain est par le biais de l’alimentation et de compléments alimentaires.

 

C’est parce que des études universitaires ont établi le lien entre microbiote et cerveau et ont montré la possibilité de modifier le microbiote par l’alimentation, que j’ai intégré dans mon programme VITALITÉ tout un axe autour de la nutrition adaptée et visant à réduire le risque dépressif.




[1] Exces de sucre, mauvaises graisses. Une étude réalisée à la faculté de médecine de Graz en Autriche a testé les conséquences de deux régimes sur des souris. Régime 1 était composé à 60% de graisses, 24% de sucres, 16% de protéines. Régime 2 composé de 12% de graisses, 65% de sucres et 23% de protéines. Recherhce d’explications physiologiques.

_ Le microbiote intestinal des souris du régime 1 est d’une part plus pauvre, moins diversifié (observation confirmée par l’analyse du microbiote de patients déprimés) et d’autre part certaines familles de bactéries (Firmicutes et Cyanobactéries) se sont miultipliées au détriment d’autres familles (Bactéroidètes).

_ Dans le cerveau (cortex préfrontal et striatum) des souris déprimées les concentrations de plusieurs métabolites (créatine, lactate, taurine, glutamine, GABA…)  produits par les bactéries du microbiote sont modifiées.

_ Les hormones sont elles aussi altérées. On constate notamment la diminution du neuropeptide Y impliqué dans la régulation de l’appétit et la sécrétion d’insuline. Cette hormone a aussi un rôle anxiolytique (une des modalités d’action des antidépresseurs est d’augmenter son taux dans le cerveau)

 

[2] Il faudra cependant envisager de proposer un ensemble de bactéries, celles-ci agissant probablement en synergie


Source: Et si la solution venait de nos bactéries? Professeur G. Perlemuter, Ed. Flammarion, 2020

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